Mouna et Aya Abdel Raouf, porter l’héritage égyptien avec style

A 21 ans à peine, les sœurs Mounaz et Aya Abdel Raouf ont lancé Okhtein, marque de sacs et accessoires. L’idée est née dans les souks de Khan El-Khalili, en apprenant des meilleurs artisans d’Egypte. Elles ont depuis parcouru beaucoup de chemin : lauréates de la Vogue Arabia Competition catégorie accessoires, elles emploient désormais 20 personnes, ont un flagship à Zamalek, Beyoncé et Gigi Hadid comptent parmi leurs clientes. Un succès qu’elles utilisent pour développer la marque en Egypte, avec comme objectif de redonner confiance aux femmes à travers leur style.

Egypte

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La genèse d’Okhtein

Il suffit de remonter à leur enfance pour comprendre leur vocation : les deux sœurs ont baigné dans l’art et la mode depuis petites. Elles passaient beaucoup de temps avec leur grand-mère, qui dans la boutique familiale vendait des tissus importés de Paris et fabriquait des robes pour sa fille.

Mounaz peignait beaucoup et a étudié le marketing. Aya a obtenu un diplôme en marketing digital. A la fin de leurs études cependant, plutôt que de se lancer dans une carrière classique, elles ont décidé de créer quelque chose de nouveau, à deux. Elles ne savaient pas exactement quoi à l’époque. Elles ont donc commencé par se balader pendant un an dans les souks de Khan El-Khalili, à visiter les échoppes des artisans cairotes, connus pour leur travail sur le métal notamment.

La marque commence alors à prendre forme dans leurs esprits, elles dessinent des premiers produits, travaillent sur l’image de la marque, et lancent en Egypte leur première collection, Hands of Brass, inspirées du travail des artisans égyptiens sur le métal. Leur story-telling : Okhtein se revendique comme une marque inspirée par la culture et l’histoire de l’Egypte. Elle reprend beaucoup des codes artistiques de l’Egypte ancienne : les traditionnels loquets de porte, les motifs typtiques de l’Ere fatimide, les ceintures affichées sur les tableaux romanesques…

Leur ambition à l’époque : « on voulait que Beyoncé porte nos sacs ». Et cela finira par arriver : en participant à des concours, des showrooms, etc., Mounaz et Aya finissent par remporter la Vogue Arabia Competitionpour la catégorie accessoires. A partir de là, les commandes à l’international  s’enchaînent, et des célébrités comme Gigi Hadid, Beyoncé, Anna dello Russo ou même la Reine Rania s’affichent avec un sac Okhtein à leur bras.

La route jusqu’au succès : des stratégies qui ont payé

La route jusqu’au succès n’a pas été facile. Il faut dire que la fashion sceneen Egypte est quasi-inexistante. Même au niveau des formations, on ne peut pas prendre de cours de mode à l’université. Mounaz et Aya ont tout appris, la technique, la production, des artisans égyptiens ; et ont au début produit elles-mêmes leurs premiers prototypes. Elles n’avaient en effet pas assez de fonds pour lancer la production, et ont donc commencé par mettre un peu d’argent dans des prototypes, du packaging et du story-telling.

Leur stratégie gagnante : fonctionner sur un système de pré-commandes qui ne demande pas trop de capital, et miser sur Internet et se présenter comme une marque Instagram, à l’époque où l’idée émergeait à peine, où le mot « digital brand » n’existait pas vraiment.

Les fondatrices ne savaient pas non plus faire de la compta, du pricing, de la finance. Elles ont acquis ces compétences au fur et à mesure, sur le tas, en faisant des erreurs qui leur ont coûté cher.

Désormais elles travaillent avec des usines en Espagne, Italie, à Dubaï et en Egypte. Elles emploient 20 personnes à plein temps.

Leur marque grandit : 3 collections de sacs, ceintures, bientôt lunettes de soleil, bijoux, vêtements et même chaussures. Leur ambition est à la hauteur de leur talent. Leurs plus gros clients ? Le Royaume-Uni, MENA, Australie, mais surtout l’Egypte, à la fois en online, wholesale ou retail. Leur magasin flagship à Zamalek, sur la presqu’île du Caire, a beaucoup de succès.

Okhtein n’a toujours pas d’investissements externes et c’est un choix calculé : les deux sœurs se sont fixé des objectifs financiers à atteindre avant d’ouvrir leur capital. En auto-financement jusqu’ici, elles préfèrent réinjecter tous les bénéfices dans la production et travaillent sur des stratégies de baisse des coûts, notamment en apprenant à négocier.

La mode et les femmes en Egypte

Être entrepreneur en Egypte, d’autant plus femme, et d’autant plus si jeune, a été d’une très grande complexité. Les hommes, notamment les artisans, n’aimaient pas recevoir d’ordres de leur part. Il a donc fallu trouver le bon discours pour les différentes mentalités de leurs interlocuteurs, et à force de travail et de respect, les deux sœurs ont su obtenir gain de cause.

Quant au fait d’être une femme en Egypte, on semble noter des changements. Quand elles étaient petites, Mounaz et Aya étaient entourées de filles pour qui la vie idéale était de se marier, avoir des enfants et rester à la maison. Désormais, grâce à l’exemple donné par maints entrepreneurs, de plus en plus de jeunes lancent leur propre business.

Et l’idée de Mounaz et d’Aya n’est pas de s’arrêter à la création d’un business. Derrière Okhtein, elles voient l’occasion de redonner confiance aux femmes. Pour elles, la mode est un outil d’une efficacité féroce pour libérer les corps des femmes. Mais ce discours ne passe pas facilement dans certains milieux : les commentaires haineux sont fréquents sur les réseaux sociaux. Cela n’empêche pas la marque d’afficher des campagnes avec des mannequins dénudés, parce que son ADN a beau être arabe, elle ne se restreint pas à ses standards.

Leurs conseils. En vrac.

Le plus grand atout pour réussir : la persévérance. Les gens ont tendance à s’ennuyer rapidement, et la seule solution face à cela est de persévérer, faire face aux problèmes sans se décourager et sans perdre son enthousiasme.

Amener ses interlocuteurs à partager la même vision que nous. C’est la meilleure façon de se faire écouter et respecter.

Être polies.

Good-cop bad-cop : une technique de management qui a porté ses fruits. Elle permet de créer une balance au travail, une distance respectueuse mais amicale.

Pour une meilleure gestion vie pro-vie perso : tout simplement éviter de parler de sa vie pro en société.

Tâcher d’être une source d’inspiration pour les autres.

Et ne pas oublier de gérer la pression en prenant le temps de recharger les batteries de temps en temps.

 

Pour aller plus loin…

Deux artistes. Yayoi Kusama. Basquiat.

Deux livres. The Forty Rules of Love by Elif Shafak. The god of small things by Arundhati Roy.

Le site internet Okhtein.

 
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