Ruth Oniang’o, nourrir le Kenya

Ruth Oniang’o, une grande dame qui marque par sa sagesse et son rire. Première professeur de nutrition en Afrique Subsaharienne, Ruth est lauréate du prestigieux Africa Food Prize 2017 pour la lutte qu’elle a menée contre la pauvreté et la malnutrition dans les zones rurales à travers son ONG Rural Outreach Africa. Membre nominée du 9ème parlement kenyan, elle fut aussi députée pour le Ministère de l’Education, de la Science et de la Technologie. À 72 ans, Ruth continue de mettre à profit son expertise au service des plus grandes institutions – les Nations Unies et la Banque mondiale entre autres – et des comités exécutifs des plus grandes groupes, à l’instar de Nestlé et HarvestPlus.

Kenya

〰️

Kenya 〰️

Nutritionniste de vocation

Dès son plus jeune âge, Ruth est confrontée aux périodes de famine et de malnutrition qui sévissent dans les zones rurales. Elle se met alors en tête d’exercer un métier qui lui permettra de mettre un terme à ce fléau. Attirée très tôt par les matières scientifiques, elle est la première fille de son école à suivre des cours de mathématiques, jusque-là réservés aux garçons.

Ruth ne comprend pas pourquoi un continent comme l’Afrique, incroyablement riche en ressources naturelles, ne parvient pas à nourrir suffisamment/correctement sa population. Elle perçoit un manque de connaissances dans le secteur de la nutrition et ce manque qu’elle ambitionne de pallier.

Ruth part faire ses études aux Etats-Unis où elle diplôme d’un BSc et d’un MSc à l’Université de Washington State. À son retour au Kenya, elle creuse son expertise en nutrition à travers un PhD à l’Université de Nairobi faisant d’elle la toute première docteure en nutrition de l’Afrique de l’Est.

Agir sur le terrain

Forte de cette expertise, Ruth souhaite avant tout agir sur le terrain. En 1990, elle fonde l’ONG Rural Outreach Africa pour aider les femmes issues de zones rurales à s’émanciper en leur proposant de nouveaux emplois dans le secteur agricole. Elle se rend dans plusieurs régions rurales kenyanes où elle organise des ateliers pour former la population. D’abord réservés aux femmes, ces ateliers sont maintenant courus par les hommes qui demandent à être formés à leur tour. Ruth réussit à engager des communautés entières dans le développement de cultures écoresponsables.

En 2001, Ruth se lance dans la création de l’African Journal of Food, Agriculture, Nutrition and Development (AJFAND). Son but est de rendre public et promouvoir les recherches de scientifiques africains pour que ces études participent au développement de l’Afrique. Ruth développe l’un des premiers journaux académiques en ligne, journal aujourd’hui reconnu mondialement.

L’arène politique

Ruth n’a jamais été très intéressée par la politique. Elle a même bien longtemps cherché à s’en éloigner, jugeant les politiciens égoïstes et éloignés des besoins du peuple. C’est donc avec surprise et méfiance que Ruth reçoit l’annonce de sa nomination en tant que membre du neuvième parlement kenyan en 2003. Et pourtant, Ruth perçoit cette annonce comme un signe du destin et elle décide de donner sa chance à la politique. Elle devient alors l’une des 18 femmes membre du parlement sur les 222 sièges, dernier parlement kenyan avant la mise en place de la Nouvelle Constitution.

« C’est comme si l’on me jetait dans une mare pleine de crocodiles et qu’on me demandait de nager ». Ruth nage avec brio dans la mare aux crocodiles : ne manquant aucune session du parlement, elle s’investie corps et âme dans la tâche qui lui a été confiée. En étant à la source de l’allocation des ressources et des prises de décision, Ruth prend conscience que cette position lui permet d’agir à grande échelle. Elle réussit à faire passer une loi pour réguler le recours aux OGMs et encourager l’agriculture éco-responsable, elle œuvre aussi grandement dans l’accès à l’eau dans les régions rurales. Vice-présidente du Kenya’s Women Parliamentary Association, elle met en place des sanctions pour les violences sexuelles faites aux femmes. Son engagement politique se poursuit par la suite en tant que députée du Ministère de l’Education, la Science et la Technologie.

C’est aussi à cette époque que Ruth se lie d’amitié avec Wangari Maathai, celle qui deviendra en 2004 la première femme africaine à recevoir un Prix Nobel, celui de la Paix.

Celle qui ne s’arrête jamais

Nombreuses sont les institutions qui font appel à Ruth pour son expertise et ses conseils : Ruth est conseillère aux Nations Unies, à la Banque mondiale et au sein d’une multitude de comités exécutifs, à l’instar de Nestlé et d’HarvestPlus pour n’en citer que deux. « J’incarne un trio parfait : je représente la femme, l’Afrique et la nutrition ».

Aujourd’hui âgée de 72 ans, lorsqu’on lui demande comment concilier cette multitude de casquettes, elle nous confie qu’elle a attendu le mariage de sa dernière fille pour développer son éventail d’activités. Son petit secret : passer plus de temps dans les airs qu’à terre laisse le temps de travailler et réfléchir !

Pour ce qui est de ses choix, trois questions se posent systématiquement à elle :
– Quelle est l’option qui complétera mes connaissances et mon savoir-faire ?
– Quelle est l’option qui m’ouvrira des opportunités nouvelles ?
– Quelle est l’option qui affectera le moins ma famille ?

Celle qui n’a jamais candidaté à un poste croît aussi à la part du destin : nous avons tous un rôle sur cette terre, encore faut-il le découvrir !

Précédent
Précédent

Sana Afouaiz, donner la parole à celles qui sont baillonnées

Suivant
Suivant

Judith Owigar, le pouvoir de la tech